Les
La Terrasse :
Article de Catherine Robert paru en avril 2007
« Une « troupe de chiens enragés, de tueurs, de condamnés » menée
par un Breton bouillonnant, amateur de rixes et de coups bas, « un
simple petit homme brisé, le cœur anéanti depuis son premier
souffle » : en 1364, à Cocherel, aux portes de Paris, le royaume de
France dut son salut à des moins que rien guidés par Bertrand Du
Guesclin, et l’idée de nation naquit dans la brutalité, le sang et la boue.
Mêlant les mots des « poètes de la langue et du combat – D’Aubigné,
Desnos, Cendrars, Péguy », Godefroy Ségal a imaginé un spectacle
chantant l’horreur et sa fascination et la force démiurgique de la
violence. Seize comédiens construisent avec leurs voix et leurs corps
une « basilique » pour tous ceux dont le sacrifice ne fut pas vain en un
spectacle fiévreux et lyrique où le souffle de l’enfer, de l’immonde et
du détestable emporte l’enthousiasme sous la foi sublime des
bannières. »
La Terrasse
La fabrique de l’histoire du 04 mai 2007 sur France Culture,
une émission d’Emmanuel Laurentin,
avec Fabrice D’Almeida, Arlette Farge et Pascal Ory :
et par les spectateurs :
« La mise en scène est moderne et efficace : pas un seul temps mort pendant les deux heures et demi que dure la pièce. Le mobilier est minimaliste, les changements de décor sont ponctués de citations, plus ou moins modernes, qui illustrent la guerre, la soif sanguinaire ou l’enfance déchirée (« Prenez garde. Si les hommes de demain détruisent, c’est parce que les enfants d’aujourd’hui sont malheureux. L’enfant ressemble à un vase de cristal. Si tu le frappes trop fort, il est détruit à jamais et si tu essayes de ramasser les morceaux, tu risques de te couper » Jose Vincente Ortuno). Une façon d’illustrer cette vie hors du commun avec l’aide de ce moyen d’expression artistique que sont les livres si chers à Charles V. Comme s’il fallait que le sang coule pour que la raison et la connaissance survivent. D’ailleurs le bord de la scène est jonché de bouquins divers et variés. Premier plan. Pendant que les hommes se battent en arrière, les bouquins sont là, en avant. Plus que la sauvegarde du royaume de France, Du Guesclin aurait-il sauvé les livres ? Les premières scènes sont ponctuées de chansons originales, en anglais et en direct, accompagnées au luth. Par la suite, la musique devient un élément plus discret mais reste essentielle à la pièce. J’ai bien aimé le cataclop d’une armée de chevaliers en pleine charge… Je fus impressionné par l´énergie déployée par les acteurs de manière générale, et pendant les batailles en particulier : heureusement qu’ils ont des boucliers ! Une pièce qui fait réfléchir, une pièce où l’on apprend un pan d’histoire de France, surtout quand on a séché ses cours, comme moi (mais je me soigne, petit à petit), étant jeune, une pièce où l’on tremble, où l’on rit, bref, où l’on ne s’ennuie pas ! Et je dirais même plus : courez-y ! C’est à la Cartoucherie du 21 avril au 20 mai, et en tournée après… »
« Quelle merveille ! Quel enchantement ! Seize acteurs sur scène, et pas un de plus, seize acteurs extraordinaires qui parviennent, par je ne sais par quel prodige, à nous faire croire qu’ils sont des milliers, et les épées et les écus s’entrechoquent devant nous comme si l’on se retrouvait plongé au coeur de l’action. Les décors et les costumes sont très sobres mais splendides : c’est justement là qu’est toute la magie du théâtre… Il suffit de quelques tentures savamment disposées, d’une table en bois et de quelques rares accessoires pour tout suggérer. La mise en scène est une merveille d’inventivité et d’intuition. Les accompagnements musicaux sont subtils et délicats. Mais ce n’est pas qu’une pièce d’action. C’est aussi une formidable réflexion sur la guerre : ainsi l’action est entrecoupée de lecture de textes de toutes époques sur la guerre et ces moments de respiration arrivent très intelligemment dans le déroulement de l’action. »
« Il y a beaucoup d’audace et d’ambition dans la construction de la pièce de godefroy ségal, et plus précisément de l’inventivité, on dépoussière les légendes de la guerre de cent ans, on ajoute du relief à ces pages jaunies des manuels d’Histoire, on donne corps à ces personnages décatis dans nos esprits, l’Histoire vivante envahit l’espace de la tempête le temps d’une représentation. Les décors sobres réservent toute l’ampleur aux gestes, aux danses et aux combats, les personnages investissent la scène avec fougue, l’ingéniosité des dispositifs scéniques rendent justice à la complexité de cette période trouble en nous offrant une lecture limpide des événements, le metteur en scène ne nous semant pas en route, il nous prend par la main et nous guide dans les parcours sinueux des alliances et trahisons. Un soin tout particulier a été apporté aux comédiens magnifiés par des rôles denses et intenses, et aussi par des costumes de toute beauté, étoffes et textiles riches mais à l’apparat si sobre, qui sont mis en valeur par le jeu des lumières contrastées et des voilages, le travail de l’équipe technique, discret et pourtant si présent, rend l’ensemble authentique. »