Les Onze Mille Verges

Les Onze Mille Verges de Guillaume Apollinaire adapté par Godefroy Ségal a été créé le 14 avril 2012 à la Maison de la poésie de Paris pour 17 représentations.

Godefroy Ségal invité de l’émission Ondes de choc sur Radio Libertaire le lundi 30 avril 2012 

Article de Manuel Piolat Soleymat paru dans le numéro de mai 2012 de la Terrasse

“Transmission de la réflexion sur la Révolution française et la période de la Terreur menée par Victor Hugo. Transmission des souffles subversifs et de la démesure contenus dans le roman érotique de Guillaume Apollinaire. De factures assez différentes (rapport scène salle classique et monofrontal, ambiance obscure, dépouillement de la théâtralité et de l’espace de jeu pour Quatrevingt-treize ; public installé sur le plateau dans un rapport trifrontal, au plus près des interprètes, atmosphère colorée, exubérance des effets pour Les Onze mille verges), les deux mises en scène de Godefroy Ségal se rejoignent dans l’impression de droiture, de grande sincérité qui se dégagent de l’une et de l’autre. Ainsi que dans leur volonté manifeste de donner naissance à un théâtre d’inspiration personnelle, de trouver des solutions singulières aux difficultés que pose le passage au plateau de ces œuvres littéraires. (…) Car c’est le projet dans sa globalité (globalité de chaque représentation, mais aussi du diptyque auquel elles donnent forme) qui finit par marquer l’esprit. De la verve de Hugo aux tourbillons d’Apollinaire, cette double proposition de la compagnie In Cauda réussit son pari : conjuguer geste théâtral et geste citoyen.”

Article de Jean-Pierre Léonardini paru le 29 mai dans l’Humanité

« Les Onze Mille Verges, qu’Apollinaire compose en 1906, c’est du raide. Godefroy Ségal a mis en scène le texte, qu’il a adapté. Quatre jeunes comédiennes en déshabillé (Géraldine Asselin, Barbara Ferraggioli, Nathalie Hanrion, Mathilde Priolet) distillent, sussurrent, halètent, gémissent le texte à l’envie en mimant l’infinité des postures rêvées par le poète pornographe qui s’en donne à cœur joie, pour le coup, dans le déréglement systématique de tous les sens interdits. C’est gonflé provocant, interdit aux mineurs. »

Article de Jean-Pierre Thibaudat paru le 26 mai dans Rue 89

« Lorsqu’au début des années 70 le texte paru aux éditions Régine Desforges puis chez Jean-Jacques Pauvert (la relation entre ces deux êtres fut forte comme le raconte Pauvert dans ses mémoires),Cavanna s’en donna à cœur joie dans Hara-Kiri Hebdo :
« Vous rigolerez, je vous le jure. Vous aurez peut-être aussi le mal de mer. Ça secoue. C’est Sade réécrit pour Hara-Kiri, c’est la parodie poussée au monstrueux, c’est les Pieds nickelés dans la partouze, les Marx Brothers en liquette, c’est énorme, c’est démesuré, c’est endiablé, c’est sain, c’est tonique, ça vous débarbouille les coins sales de la tête à grands jets d’eau claire. »
On ne saurait mieux dire. Et on retrouve cela – la rigolade, le mal de mer (ou nausée), le démesuré, l’endiablé, le tonique – dans la version scénique que donnent de ce roman quatre actrices (Géraldine Asselin, Barbara Ferraggioli, Nathalie Hanrion et Mathilde Priolet) sous la direction de Godefroy Segal de la compagnie In Cauda. Une réjouissante performance. (…)
Certains spectateurs se cachent les yeux à l’heure du vol de viscères, d’autres (les plus nombreux) rient ou sourient. Quelques-uns, s’attendant à un récital poétique ou à une soirée coquine, fuient, les premiers choqués, les seconds déçus.
Les spectateurs restés jusqu’aux bout applaudissent les quatre actrices qui se seront conjointement malaxés les seins et les chattes pendant tout le spectacle à travers leurs vêtements vaguement transparents, se refilant tour à tour le soin de dire, en bonnes ouvrières du texte, les mots du poète jamais à court de rebondissements, simulant collectivement en ahanant maint jouissances, pour finir épuisées, couvertes de liquides bruns, rouges et blancs.
Un spectacle qui donne envie de lire ou relire le livre dont il puise sa substance est forcément un spectacle honnête. »

Reportage dans Des mots de Minuit sur France 2 le 24 mai 2012 à 1h28mn

Article de Jean Chollet paru le 23 mai dans Webthea

« Si cette œuvre a fait l’objet d’un film au titre éponyme réalisé en 1975 par Eric Lipman, aucune version scénique n’avait été présentée. C’est chose faite aujourd’hui avec cette adaptation et mise en scène de Godefroy Ségal, dans une version qui tient à distance un réalisme scabreux pour introduire un jeu théâtral joyeux et cocasse. Sur le plateau, pour une jauge limitée de spectateurs, il installe dans la proximité un cube plastique dont la relation aux cabines de peep show est surtout rendue utilitaire pour éviter les pseudos projections de sperme et de sang, de matières fécales ou de tripailles. A l’intérieur, quatre excellentes comédiennes (Géraldine Asselin, Barbara Ferragoli, Nathalie Henrion, Mathilde Priolet) en petites culottes et nuisettes noires, enchainent narration et dialogues. Elles interprètent tour à tour les personnages féminins et masculins à l’aide d’accessoires identitaires avec une frénésie exubérante ou débridée qui relève davantage de la pantomime et de la farce que de l’illustration simpliste pornographique. »

Godefroy Ségal invité de Stéphanie Fromentin dans l’émission La Commedia della Matina sur France Inter le 20 mai

 

 

Article de Yael paru le 25 avril dans toute la culture

« Trois poufs aux angles bien arrêtés froment l’espace des ébats et des débats, espace qu’un grand film alimentaire entoure, comme si les 4 comédiennes étaient à observer à travers un aquarium. D’une vivacité incroyable, elles entrent en scène en culottes noire et nuisettes transparentes. Une sobriété qui leur permettra, grâce à l’aide de moustaches portée en collier, d’interpréter tous les rôles : les gourgandines et les valets, ainsi qu’à tour de rôle, le prince en personne. Une fois la machine lancée, rien ne l’arrête. Et le spectacle offre 1h30 d’appétits bruts. Quasiment pas de censure du beau texte Apollinaire : ni la nécrophilie, ni la pédophilie, ni les répétitions sadiennes inévitables du genre ne sont censurés. Et les quatre comédiennes entremêlent jambes, caresses, cris, grands jets de peinture-foutre, de chocolat-merde et même de corde-boyaux, sans aucune fausse retenue. Tout fonctionne à merveille, même les immenses navets et les rouges tomates. Tout fonctionne car tout est à sa place : la compulsion répétée, la perversion montrée, au contraire de Sade le vrai goût du sexe transmis, la langue adulée. Et surtout l’humour omniprésent. L’on rit de bon cœur tout au long de la pièce, non par gêne, mais parce que les aventures de Vibescu sont belles et bien caricaturales et drôles. Là où le metteur en scène aurait pu intellectualiser à grands renfort de Bataille, de Blanchot ou de réflexions sombres sur la domination et mystiques sur la pauvreté de la chair, il assimile aussi ses référence mais préfère convier ses quatre muses moquant tout machisme à un véritable festin de langue. Un tel tour de force qu’on sort de la pièce ravi, imaginant bien volontiers la douche bien méritée des quatre comédiennes. »

Article d’Olivier Roubert paru le 24 avril dans le greffon

« Godefroy Ségal a eu l’audace de mettre en scène, ce qui semble bien être une première, « Les onze mille verges » de Guillaume Apollinaire. L’audace, lorsque l’on connait le texte (souvent par ouï-dire, rarement lu) mais aussi lorsque l’on songe à la frilosité morale et conservatrice de notre temps. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à écouter Marine le Pen au soir du premier tour, dimanche, déclarer que le FN est «désormais la seule opposition à la gauche ultralibérale, laxiste et libertaire ».
Aussi, je ne peux que vous encouragez à vous rendre à la Maison de la Poésie, où se joue pour quelques dates encore (du mercredi 23 mai au dimanche 3 juin) cette courageuse et hilarante mise en scène, interprétée par quatre comédiennes, qui nous en imposent par leur témérité (avec et sans moustaches): Géraldine Asselin, Barbara Ferraggioli, Nathalie Hanrion et Mathilde Priolet. »

Article de Philippe Du Vignal paru le 22 avril dans Théâtre du Blog

« Cela dit, sa  mise en scène, extrêmement précise,  et sa direction d’actrices sont exceptionnelles d’humour et de jouissance du verbe. Enfermées dans un cube de film plastique pendant une heure et demi, où assises ou allongées dans toutes les positons érotiques possibles, emperruquées et vêtues de robes noires absolument  transparentes, Géraldine Asselin, Barbara Ferraggioli, Nathalie Hanrion, et Mathilde Priolet  font un travail de premier ordre: rythme, gestuelle, diction: tout est impeccable et Godefroy Segal a eu raison de confier ce conte à ces quatre jeunes femmes qui jouent  le second degré avec gourmandise.  Le public disposé tout autour  des trois côtés   sur deux rangées, est ainsi installé en position de voyeur.
Les meilleurs moments sont ceux où l’une d’entre elles juchée sur un cube dit le texte, tandis que les trois autres exécutent sur un matelas central les figures sexuelles imposées. Sperme, urine, merde et enfin sang  jaillissent de gourdes en cuir jusqu’à gicler sur les quatre parois en  film plastique,  et les coups de cravache n’épargnent guère un bel oreiller rouge.
On est tout près de la performance  et  le spectacle peut faire penser à celles des actionnistes viennois comme Günter Bruss, Otto Muehl, Herman Nitsch, Rudolf Schwarzkogler et leur rituel du corps, sans oublier en France Michel Journiac ou Gina Pane. »

Godefroy Ségal invité de François Angelier dans l’émission Mauvais genres sur France Culture le 21 avril

« Écrit par un Apollinaire à peine remis de son congédiement par  Annie Playden, cette pièce, monument de burlesque pornographique, narre les mésaventures charnues d’un potentat balkanique entre Paris et Port-Arthur. À ne pas manquer, autant pour le ballet ravi des quatre actrices que pour la scénographie, un cube rose aux parois transparentes et aux arêtes de néons, qui fait figure d’aquarium à la transparence tâchée de giclées spermatiques ou de four où se mijote le ragoût des passions torrides du futur poète d’Alcools. »

Article de Francis Dubois paru le 20 avril dans le Snes

« Osé au-delà des limites théâtrales, cru, sans détours, ne mâchant pas ses mots, appelant un chat un chat, on pourrait trouver ce spectacle malsain et dérangeant s’il n’était proposé dans une mise en scène en clin d’œil et joué dans une tonalité farcesque par quatre comédiennes qui, par leur bonne humeur, leur plaisir évident de jouer, font passer à la trappe du rire, mais sans nier la part de poésie, une suite de scènes de sexe, scatologie, d’arrachage et d’éparpillement de viscères. (…) Et quand les quatre comédiennes viennent saluer, le visage et le corps encore maculés d’aspersions diverses, on applaudit mais on a surtout envie de les remercier pour avoir réussi le tour de force de rendre ce spectacle –interdit au moins de 18 ans- non seulement visible mais aussi tellement jubilatoire. »

Article de Jean Grapin paru le 20 avril dans la Revue du spectacle

« L’œuvre est ainsi révélée dans toute sa force. Elle est celle d’une extraordinaire parodie du journal de faits divers tenu par un échotier particulièrement pipelette (peoplette ?). Apollinaire présente, dans « Les Onze Mille Verges », comme une inversion zutiste des usages pervers du récit et des fantasmes, et propose un roman photo, un théâtre joyeux sur le sexe et pour le coup réellement jubilatoire.
À forte valeur ajoutée littéraire, l’œuvre d’Apollinaire se révèle dans la provocation de sa forme comme un extraordinaire reportage sur un monde interlope et canaille. Un témoignage.
Étonnamment même, « Les Onze Mille Verges » peuvent être vues comme un conte merveilleux et licencieux, à bien des égards moral. »

Article de Nicole Bourbon paru le 19 avril dans Reg’Arts

« Il fallait oser et être investi d’un solide sens du second degré pour se lancer dans une telle aventure.
Et de fait on rit beaucoup.
Une intelligente utilisation de l’espace scénique met immédiatement le spectateur en position de voyeur. Sous ses yeux, dans une sorte de ring clos, quatre comédiennes exceptionnelles, Géraldine Asselin, Barbara Ferraggioli, Nathalie Hanrion et Mathilde Priolet, vont mener un véritable combat, faisant vivre la prose énergique et truculente d’Apollinaire, ses personnages hommes ou femmes hors norme, ses situations délirantes en une succession de tableaux plus fous les uns que les autres. Elles ne nous et ne s’épargnent rien, que ce soit dans les gestes ou dans la parole, elles osent tout, fidèles en tout point à Guillaume Apollinaire.
Mais la façon de balancer les mots, de les faire claquer comme des coups de fouet, de les crier ou de les chuchoter, d’en accentuer certains, marquant des ruptures inventives qui en soulignent le comique, les accompagnants de sons parodiques des films X, de jouer d’accessoires improbables avec un entrain et une bonne humeur communicatives, permet d’éviter l’écueil d’une pornographie vulgaire. »

Article de Fabrice Chène paru le 17 avril 2012 dans Les trois coups

« En culottes noires et nuisettes (effets de transparence garantis), les quatre comédiennes, s’en donnent à cœur joie, se travestissent avec force moustaches et barbes postiches, se livrent, munies d’accessoires divers, à d’acrobatiques accouplements simulés. On comprend vite que le film plastique qui entoure l’espace de jeu a surtout pour fonction de protéger les spectateurs des projections diverses, tant « la merde, le sang et le foutre » jaillissent généreusement dans ces lignes. Alternant sur un rythme soutenu narration et scènes dialoguées, la parole circule librement en une sorte d’échangisme ininterrompu, incessant comme le désir lui même. On retient la scène épico épicée de l’irruption des cambrioleurs, ou encore le voyage ferroviaire (« Viens me baiser dans le sleeping car, j’ai l’âme foutative ») de cette troupe de personnages hauts en couleur à travers les paysages rhénans chers à l’auteur. »

Article de Julien Barret dans Pariscope

Article de Philippe Person paru le 16 avril 2012 dans Froggy’s Delight

« Parfois, les jeunes filles font une pause dans leurs ébats, dans leurs mimiques orgiaques, et l’une d’entre elles expose et fait ressentir les beautés de la belle langue de Guillaume Apollinaire. Dans ce spectacle alerte, Godefroy Segal aura réussi à gommer tout ce qu’il peut y avoir de répétitif dans le roman du poète et aura su, à bon escient, distiller horreur et poésie.
Un coup de chapeau aux quatre mousquetaires de l’érotisme apollinairien : Géraldine Asselin, Barbara Ferraggioli, Nathalie Hanrion et Mathilde Priolet. Elles se jettent à corps perdus dans cette aventure sportive et sensuelle avec un grand appétit, sachant subtilement trouver la voie de l’innocence, là où l’on pourrait sombrer sans nuance dans le graveleux.
Un spectacle qui ose être osé, qui convainc finalement qu’il est à sa place à la Maison de la poésie et qu’il peut être chaudement recommandé sans qu’on soit pour autant un pervers polymorphe ou un ancien directeur du FMI. »

Godefroy Ségal invité de Christine Armanger dans l’émission Pièces détachées sur Radio Campus le 16 avril 2012 :

Article de Philippe Bonnet paru le 15 avril 2012 dans Les soirées de Paris

« Les difficultés d’adaptation ont été habilement contournées. D’abord il n’y pas d’hommes sur scène. La pièce est jouée par quatre comédiennes (1) dont on ne peut que saluer la détermination et le talent. La détermination quand même parce qu’elles ont choisi d’y aller, qu’elles s’exhibent en tenue légère, que le jeu général est sexuellement explicite enfin et qu’elles s’y plient. Et le talent parce qu’elles servent sans réserve une adaptation qui jamais ne s’égare malgré onze mille pièges possibles. La complicité qu’elles établissent avec la salle est la bienvenue. Cette pièce n’a rien d’une épreuve. (…)Une des habiletés de la mise en scène est qu’elle est suffisamment mâtinée d’humour. Samedi, quand les excès de l’histoire ne provoquaient pas des soubresauts chez les spectateurs, ne leur ouvraient pas des yeux ronds, ne les laissaient pas songeurs, dubitatifs ou interloqués, on les entendait rire de bon cœur. Le spectacle n’était pas que dans la cage (ceinte de plastique transparent notamment à cause des projections de fluides variés) dévolue à l’orgie.
Gageons qu’il ne doit pas y avoir en ce moment même à Paris, un spectacle théâtral aussi fort et aussi étonnant. Même un peu préparé, on ne s’attend pas à cet éclaboussement de jouissances diverses au propre comme au figuré. Un peu plus de cent ans après, le texte reste parfaitement osé et finalement, dans notre environnement actuel si bien jugulé, cette purge aussi incorrecte et permissive que drôle nous fait du bien. Apollinaire n’a pas été trahi. »

Interview de Godefroy Ségal par Hélène Chevrière dans Théâtral Magazine n°34 (15 mars – 15 mai 2012)